Ardian, mécène de la fresque murale « Strates Urbaines » d’Alexandre Farto, alias VHILS, à la nouvelle gare Aéroport d’Orly en France
Histoire de croissance
Ardian, mécène de la fresque murale « Strates Urbaines » d’Alexandre Farto, alias VHILS, à la nouvelle gare Aéroport d’Orly en France
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20 Juin 2024
Temps de lecture : 7 minutes
Ardian est sponsor du Grand Paris Express, le plus grand projet d’infrastructures de transport en Europe, qui prévoit la construction de 68 nouvelles stations de métro et de 200 km de lignes autour de la capitale française. Ce vaste projet de transport rapide vise à transformer la mobilité urbaine de millions d’usagers, à mesure que la population de la région Île-de-France augmente. Le Grand Paris Express permettra d’améliorer la connectivité entre les quartiers qui entourent Paris et de rendre la région plus attractive et plus dynamique sur le plan économique.
Les concepteurs du projet ont décidé de mettre en valeur ses ambitions esthétiques en associant architectes et artistes pour intégrer des œuvres d’art publiques au cœur des nouvelles gares. A hauteur d’un million d’euros, le mécénat d’Ardian permet de financer des œuvres d’art dans deux nouvelles gares desservant les aéroports d’Orly et du Bourget.
La nouvelle gare Aéroport d’Orly devrait accueillir près de 95 000 trajets quotidiens, ce qui illustre ainsi son importance en tant que pôle économique : 173 000 emplois basés dans un rayon de 1 km autour de la gare, dont 28 000 liés à l’aéroport.
Pour accueillir tous les voyageurs, cette nouvelle gare invite le street artist portugais VHILS, de son vrai nom Alexandre Farto. Son œuvre, intitulée « Strates Urbaines », est une fresque murale monumentale composée de plus de 11 000 azulejos, des carreaux de céramique portugais. Sa vue saisissante, dans laquelle les visages se fondent dans le paysage urbain parisien, accueille les voyageurs lors de leur passage dans la nouvelle gare, conçue par François Tamisier, architecte en chef des Aéroports de Paris.
Nous avons interviewé VHILS sur le projet de la gare Aéroport d’Orly parrainé par Ardian, et sa carrière d’artiste urbain de renommée internationale.
La vision d’Alexandre Farto, alias VHILS, concernant sa fresque murale « Strates Urbaines » dont Ardian est mécène
Quelle était votre vision pour « Strates Urbaines », votre œuvre à la gare Aéroport d’Orly ?
Une gare étant un lieu de passage, je voulais créer une œuvre qui entre en connexion avec le public qui s’y déplace. Entre le moment où vous empruntez les escalators et celui où vous atteignez la fresque, j’aimerais que vous vous sentiez en immersion complète et, au fil de votre trajet, à mesure que votre point de vue change, que vous interagissiez avec elle. L’idée était de concevoir une œuvre d’art qui évolue au fur et à mesure que vous vous déplacez, offrant différentes perspectives, réflexions et ombres. Je voulais créer une fresque interactive et non une œuvre statique.
Elle s’articule autour de la Tour Eiffel, élément central de Paris. Elle inclut également d'énormes plans de la carte de la ville, dont émergent des carreaux bleus, et d'autres bâtiments emblématiques desservis depuis la gare. Mais elle est également destinée à souhaiter la bienvenue, alors j’ai créé les portraits que pour donner un aperçu des personnes qui accueillent et amènent les usagers à destination. J’ai conçu une expérience qui dure entre 15 secondes et une minute, le temps d’un passage, où les gens peuvent apercevoir la ville et ses habitants qui leur ouvrent les portes.
Les carreaux sont un matériau utilisé dans les gares du monde entier. J’ai essayé de les détourner en les sculptant et en créant une surface où les zones bleu cobalt seraient un miroir dans lequel l’on peut apercevoir son propre reflet et les images devant soi. L’idée était de créer une surface qui absorberait la vie de la gare.
Les voyageurs qui y transitent se projettent dans l’œuvre, à Paris. Il s’agit donc d’une création symbiotique qui nous transporte dans la capitale et nous y accueille, mais qui nous permet également de nous y projeter.
Comment Alexandre Farto (VHILS) a développé la technique qu’il appelle « archéologie urbaine »
Comment avez-vous développé cette méthode de création artistique si caractéristique ?
Je suis né et j’ai grandi à Seixal, dans le sud de Lisbonne, qui était autrefois une zone industrielle, à 20 ou 30 minutes du centre-ville. Adolescent, c’est là-bas que j’ai commencé à peindre des graffitis.
Puis, j'ai commencé à réfléchir à ce qu'est un mur, à ce que cette surface représente. Et j’ai alors réalisé que, dans les espaces publics, il absorbe l'histoire et le passage du temps, et qu'il renferme en son sein des peintures murales.
J’ai développé ce concept d’archéologie urbaine, qui consiste à creuser dans les murs et à peindre avec les couches existantes. Au lieu d’ajouter des créations, comme tout le monde le faisait, l’idée était de soustraire, d’exposer les surfaces inférieures et de peindre avec les couches du temps, parfois pour créer des portraits, de la typographie ou réaliser des peintures murales.
Plus tard, je suis parti étudier à Londres et j’y ai rencontré d'autres artistes, également pionniers de l'art urbain. Cela m’a incité à repousser les limites de la création artistique dans les espaces publics. Je dirais que l’objectif principal de mon travail consiste à instaurer un dialogue entre la ville et les gens, à l’humaniser et à montrer le potentiel de tous les matériaux qui la composent. J’essaie de subvertir les surfaces ou de les traverser pour révéler l’intérieur de la ville ou les histoires sous-jacentes qu’elle recèle.
Sa renommée internationale en tant qu'artiste urbain
Quand avez-vous commencé à attirer l’attention des galeries et du monde de l’art professionnel ?
Vers 17 ans, j’ai organisé une exposition dans un bâtiment vide à Lisbonne avec d’autres artistes qui travaillaient dans les espaces publics de la ville. Vera Cortês a alors été la première galerie à s'intéresser à moi. Elle m’est très chère parce qu'elle a été la toute première à me donner la chance d’être exposé. Et cela a attiré l'attention du monde de l'art sur moi. Puis je suis allé étudier à Central St Martins à Londres où j’ai croisé des artistes en vogue, à l’instar de Banksy et JR.
Finalement, j’ai été invité à participer au Cans Festival, organisé par Banksy en 2008 sous la gare de Waterloo. C’est à ce moment-là que mon travail a été exposé à côté du sien et qu’il a suscité beaucoup d’intérêt. Dès lors, j’ai commencé à recevoir des invitations pour concevoir des projets pour des villes, des festivals et des galeries à travers le monde.
L’impact de la transformation urbaine sur le travail d’Alexandre Farto alias VHILS
Comment qualifierez-vous l’évolution de votre travail depuis vos débuts ?
Mon travail évolue naturellement à mesure que je mûris ; je pense que l’évolution majeure a été de voir le pouvoir de la transformation urbaine sur le lieu où je suis né. J'ai pu voir la transformation du Portugal, de la révolution de 1974 à l'adhésion à l'Union Européenne en 1986. J'ai assisté à un changement dans l'aspect visuel des murs. Les peintures murales qui dépeignaient les rêves et les aspirations de chacun ont laissé place à des panneaux d’affichage pour une société de consommation, puis à des graffitis.
Il y a eu aussi la transformation liée à de nouvelles infrastructures comme le chemin de fer, qui est arrivé dans ma ville de banlieue. Cela m’a connecté à une plus grande agglomération ; mais de tels changements ont également le pouvoir de transformer la perception de notre environnement.
J’ai vu s’opérer une importante transformation du début des années 1990 jusqu’à aujourd’hui, mais son rythme était très spécifique à ma réalité de l’époque, axée principalement sur le Portugal et Lisbonne.
Quand j’ai commencé à voyager et à développer des projets dans d’autres villes, j’ai réalisé qu’elle avait lieu beaucoup plus rapidement ailleurs – ce n’était pas uniquement ma ville qui se transformait, c’était le monde entier. Ce que j’essaie donc de faire, c’est de capturer ce moment de transformation qui touche la société – culturellement et économiquement partout dans le monde – et de le rendre éternel. Il y aura un avant et un après, mais je veux saisir cet instant où les choses évoluent plus vite que jamais dans l’histoire. Nous devrions prendre le temps de ralentir, d’observer et d'essayer de communiquer avec ce qui nous entoure aujourd’hui, même si c'est un exercice très difficile pour les humains.