Grand Paris Express : quand l’art et l’infrastructure se rencontrent
Vision de marché
Grand Paris Express : quand l’art et l’infrastructure se rencontrent
-
07 Janvier 2021
-
Real Assets
-
Infrastructure
-
Paris
Temps de lecture : 7 minutes
A l’instar de beaucoup d’autres capitales mondiales, Paris est confrontée à une problématique pressante en matière de mobilité en raison de son accroissement démographique.
Pour alléger la pression sur le réseau de transports, les dirigeants de la ville ont lancé le projet d’infrastructure du Grand Paris Express, qui prévoit la construction de 68 nouvelles gares et 200 km de voies ferrées autour de la capitale française. Ce projet d’infrastructure est l’un des plus importants au monde ; il a pour objectif d’encourager un développement économique durable et inclusif et de créer des emplois.
Les urbanistes ont cherché à réorganiser la ville et à créer un nouveau réseau d’infrastructure qui concilierait la fonctionnalité au design et à l’esthétique, en faisant collaborer des architectes et des artistes à la construction d’une expérience voyageurs unique révélant l’aspect utilitaire des gares.
Ardian a tenu à contribuer en promettant 1 million d’euros pour soutenir, d’une part, le tandem réunissant l’artiste portugais VHILS et l’architecte français François Tamisier (gare Aéroport d’Orly) et, d’autre part, l’architecte franco-brésilienne Elisabeth de Portzamparc et l’artiste danois Jeppe Hein (station RER du Bourget).
« Depuis la construction des premiers métros à Moscou, Londres et Paris, la tradition veut que l’art et l’architecture aillent de pair dans l’infrastructure » commente Pierre-Emmanuel Becherand, Responsable Design et Création du projet. « Le travail des artistes et des architectes peut ouvrir un véritable accès à la culture et c’est un critère essentiel dans la conception de la ville ».
En effet, on assiste à une prise de conscience croissante de la centralité de la culture dans le développement urbain durable, comme en témoigne le lancement de la « Charte de Rome » en 2019. Co-fondée par l’organisation Cités et Gouvernements Locaux Unis (CGLU), l’initiative internationale demande aux décideurs politiques de repenser leur approche de la culture et de créer des opportunités plus durables pour que le public profite de son environnement urbain.
Le travail des artistes et des architectes peut ouvrir un véritable accès à la culture et c’est un critère essentiel dans la conception de la ville.
Elle rappelle la Déclaration universelle des Droits de l’Homme qui déclare que chacun de nous « a le droit de prendre part pleinement et librement à la vie culturelle », et met la culture au premier plan de la conception des villes.
Sur ce point, le Grand Paris Express a pris une longueur d’avance. « Outre notre ambition structurelle de transformation, nous avons l’ambition culturelle de construire un imaginaire commun », déclare José-Manuel Gonçalvès, le directeur artistique et culturel. « Dans les gares, les œuvres d’art seront sublimes d’un point de vue créatif mais également relationnel avec le public : elles appartiennent toutes à un nouveau chapitre de l’histoire de Paris ».
Malgré la pandémie actuelle de Covid-19, en coulisses, de gros travaux sont déjà en cours. Nous avons échangé avec l’artiste portugais VHILS et l’architecte François Tamisier pour comprendre leur façon de travailler ensemble sur la conception et l’embellissement de la gare Aéroport d’Orly.
Qu’est-ce qui vous a attiré dans ce projet ?
VHILS : « Créer de l’art pour un endroit où les gens se rencontrent est un projet rêvé. L’idée de nouer un dialogue entre la construction et l’art m’a vraiment séduit ».
« Je suis issu du monde du street art. J’ai commencé par le graffiti et j’ai été exposé à un grand nombre de créations (graffitis, fresques murales, panneaux d’affichages). Sur chaque mur, j’ai remarqué qu’il y avait plusieurs couches superposées et j’ai alors commencé à réfléchir sur le passage du temps dans l’espace public : pourquoi ne pas faire le contraire et enlever ces couches, tel un archéologue ? ».
« Il y a près de cinq ans, j’ai commencé à développer cette technique de bas-relief qui consiste à sculpter des œuvres dans les murs. Pour ce projet, j’ai été encore plus loin en travaillant le béton. Ce matériau, très puissant et fonctionnel, peut prendre des tas de formes ».
« Il existe un lien qui unit le mouvement et les transports et les humains et les villes dans lesquels ils vivent : pour moi, c’est une progression naturelle ».
Comment avez-vous collaboré ?
François : « En termes de processus, la structure du bâtiment imposait certaines contraintes techniques, et nous avons dû constamment adapter la forme de l’œuvre d’art initialement prévue. J’ai guidé VHILS concernant les aspects techniques, afin de maximiser sa créativité ».
Dans les gares, les œuvres d’art seront sublimes d’un point de vue créatif mais également relationnel avec le public : elles appartiennent toutes à un nouveau chapitre de l’histoire de Paris
Depuis sa création, comment s’est développé le projet ? Comment a-t-il évolué ?
François : « Le projet a été conçu comme une réinterprétation des fresques qui habillent généralement l’entrée des aéroports et accueillent des millions de voyageurs. Dans cette optique, plusieurs discussions ont permis de désigner l’artiste le mieux placé pour accueillir les visiteurs dans notre capitale. VHILS a fait l’unanimité. Street artiste portugais de renom, ses œuvres sont célèbres dans le monde entier et sa popularité repose sur son approche humaniste des villes et de leurs populations hétéroclites. Depuis ce choix, nous avons activement développé un plan concernant les interactions entre le bâtiment et l’œuvre d’art ».
VHILS : « Mon œuvre est encore en cours de réalisation, mais l’idée centrale est la connexion.
Je réalise une œuvre en 3D, qui évoluera avec la lumière du jour ; les reliefs vont projeter des images différentes, des ombres. Certaines parties se verront surtout d’en haut, d’autres d’en bas ».
« Le public se déplacera autour de l’œuvre, elle sera donc dynamique et changera en fonction des perspectives. La façon de la voir dépendra de la position du public, du moment de la journée, de la luminosité ».
« À ce stade, nous affinons certains détails, et espérons que d’ici la fin de l’année, nous aurons les dernières images. C’est vraiment un gros travail ».
François : « L’œuvre de VHILS fusionnera des représentations de Paris et des hommes, et un savant jeu d’angles et de perspectives : les passagers verront parfois un paysage urbain ou des visages en fonction de l’endroit de la gare ».
Créer de l’art pour un endroit où les gens se rencontrent est un projet rêvé. L’idée de nouer un dialogue entre la construction et l’art m’a vraiment séduit.
Quels sont les principales motivations de ce projet ? Quel est le but de cette collaboration ?
François : « Nous cherchons à explorer le lien qui unit l’aéroport, le tissu urbain et la vie citadine ».
« Plutôt que de commander une œuvre d’art qui décore simplement l’édifice, nous voulions qu’elle fasse partie intégrante de sa structure. Elle sera juste au cœur des flux de passagers et fera de l’aéroport une porte d’entrée vers la capitale, grâce à l’extension de la ligne Grand Paris Express ».
Quels sont les principaux défis et comment les relevez-vous ?
François : « Créer une œuvre d’art à cette échelle prendra toute une année. Dans son atelier de Lisbonne, VHILS coule et moule le béton, couche après couche ».
« Une fois terminée, les deux pièces qui composent l’œuvre seront expédiées à Paris. Bien évidemment, étant essentiellement construite en béton, elle sera très lourde, près de 139 tonnes. La manipuler en toute sécurité est une difficulté sur laquelle nous travaillons actuellement avec des ingénieurs ».
La beauté de ce projet réside dans la cocréation d’une œuvre d’art par le biais d’un dialogue constant. A l’heure où je vous parle, la forme finale n’a pas encore été arrêtée car elle continue d’évoluer .