La petite enfance : un levier de mobilité sociale à ne plus négliger
Au sein d'Ardian
La petite enfance : un levier de mobilité sociale à ne plus négliger
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02 Janvier 2023
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Fondation Ardian
Temps de lecture : 6 minutes
Cette réalité a motivé la Fondation Ardian à investir ce terrain et à notamment participer à la création de la chaire de recherche « Politiques éducatives et mobilité sociale » au sein de l’École d’économie de Paris (PSE). En mai 2022, celle-ci a organisé une table ronde rassemblant plusieurs spécialistes de la petite enfance, issus de la recherche comme du terrain. Le point sur plusieurs enseignements clés.
« Éducation et petite enfance : entre universalisme et ciblage social, comment assurer l’accès de tous les enfants à une éducation de qualité ? » Six participants étaient invités à s’exprimer sur cette question déterminante : Mayalen Iron (Directrice de projet « Les 1000 premiers jours de l’enfant » au sein du Secrétariat général des ministères chargé des Affaires sociales), Fabienne Rosenwald (Directrice de la DEPP, Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance au ministère de l’Éducation nationale), Carlo Barone (Professeur à Sciences Po), Guillaume Roussier (Responsable du pôle Petite enfance au département Enfance, jeunesse, parentalité à la CNAF), Marc Gurgand (Directeur de recherche CNRS et Professeur titulaire d’une chaire à PSE) et Dominique Senequier (Présidente d’Ardian).
L’impact de la garde en collectivité sur la compréhension
Le point de départ de l’échange portait sur une réalité mise en avant par plusieurs études internationales : l’accueil d’enfants en bas âge (de 6 mois à 3 ans) au sein de structures a des aspects bénéfiques, à court et moyen termes, sur leur développement, et tout particulièrement pour les enfants issus de milieux défavorisés. Or, le fait est qu’une part significative des parents, notamment en situation difficile, ne font pas les démarches pour obtenir un tel mode de garde.
« La question de la petite enfance est primordiale pour l’école, » souligne ainsi Fabienne Rosenwald.
On observe que les compétences sur lesquelles les inégalités sont les plus marquées à l’école sont celles liées à la compréhension : mots, textes, phrases… Des inégalités qui se révèlent très ancrées.
« Or, sans que le lien de causalité ne soit prouvé, on relève une corrélation entre le fait pour un enfant de bénéficier d’un système de garde formel - crèche ou assistante maternelle - et les compétences acquises lors de l’entrée à l’école, » ajoute Fabienne Rosenwald. Un écart qui se retrouve quelle que soit l’origine sociale, mais qui est encore plus important dans les milieux défavorisés. À noter que l’on observe tout de même une certaine hétérogénéité dans les études internationales consacrées au sujet : les progrès réalisés par l’enfant sont également corrélés à la qualité de la structure elle-même.
En France, une offre d’accueil relativement importante mais inégale
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470 000
places en crèche
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740 000
places chez les assistantes maternelles
Avec 470 000 places de crèches et 740 000 places chez les assistantes maternelles, l’offre de garde pour la petite enfance en France est élevée. En constante progression, le taux de couverture atteint aujourd’hui 60 %, alors même que, depuis 2019, l’obligation scolaire a été portée à 3 ans.
Néanmoins, l’accueil se caractérise par plusieurs déséquilibres importants. On observe notamment une distribution territoriale inégale : dans 35 départements, plus de 70 % de l’offre est ainsi constituée de places en assistance maternelle. Le taux de couverture entre le département le moins et le plus couvert varie de 1 à 8 %… Les inégalités sont également d’ordre financier. C’est ainsi que pour une famille qui gagne l’équivalent du montant d’un Smic, l’accueil chez l’assistante maternelle implique un taux d’effort trois fois supérieur à un accueil en crèche – le coût devient équivalent à partir de trois fois le montant du Smic. Enfin, un autre déséquilibre majeur tient dans la connaissance de l’information portant sur les modes de garde. Réalisés par de multiples acteurs (Caf, guichet des villes, relais de la Petite Enfance…), ceux-ci touchent de manière très disparate les familles qui ne sont pas actives pour obtenir ces informations.
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60 %
taux de couverture accueil jeune enfant
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70 %
de l’offre est constituée de places en assistance maternelle dans 35 départements
Expérimentations et soutien d’Ardian
Dans ces conditions, comment améliorer le taux d’inscription des jeunes enfants dans des structures d’accueil ? Des mesures fortes sont à l’étude. C’est ainsi que le séminaire « Premiers Pas », co-organisé par la CNAF, le HCFEA et France Stratégie, a formulé en 2021 une proposition forte : mettre en place en France une garde universelle collective de 4 demi-journées par semaine pour les enfants âgés de 6 mois à trois ans. Si cette possibilité soulève des interrogations de taille (notamment sur la disponibilité du personnel nécessaire, la capacité à convaincre les familles non motivées, le financement…), la plupart des experts s’accordent sur les bienfaits qui pourraient être tirés de la mise en œuvre d’une telle mesure.
Face à l’importance de l’enjeu, certains acteurs privés se mobilisent. Créé en 2010, la Fondation Ardian avait ainsi fait le choix initial de se focaliser sur le soutien aux adolescents issus de familles défavorisées.
Si cet effort précieux de mentorat auprès des jeunes adultes est toujours d’actualité, la Fondation Ardian a fait le choix de recentrer ses efforts vers la petite enfance, avec l’objectif d’y consacrer 70 % à terme de son budget.
« Mais, comme le montrent nos échanges, travailler sur ce sujet est une tâche complexe, qui passe par une approche forcément expérimentale, » ajoute Dominique Senequier, Présidente d’Ardian.
Parmi les initiatives : le cofinancement d’une Maison des 1000 premiers jours à Arras. Créées à la suite des recommandations de la commission Cyrulnik en 2020, ces structures offrent aux jeunes comme aux futurs parents un panel de services, destinés à répondre au manque de lisibilité et de coordination de l’offre de soin, d’accompagnement et de services aux familles. « La Maison d’Arras accueille pour l’heure une trentaine de familles, mais elle va monter en régime progressivement pour atteindre quelques milliers d’enfants à terme. C’est un champ de découverte extraordinaire, avec un très fort potentiel, se félicite ainsi Dominique Senequier.
Nous avons pu observer qu’il en va des Maisons des 1000 jours comme des crèches : l’un des enjeux est que les familles concernées acceptent. L’incitation constitue un enjeu clé.
Le principe ? L’organisation de réunions deux fois par mois pendant la première année de la vie de l’enfant. Ces structures permettent ainsi aux familles modestes de gagner en confiance, de se créer un réseau de soutien et de mieux s’intégrer à la société. Dans les faits, des évolutions notables sont observées. Séance après séance, un lien se tisse avec les parents, qui donne ensuite envie à ceux-ci de confier leur enfant à un système formel.
Une relation de confiance déterminante, qui aura des effets vertueux en chaîne avec, à la clé, une augmentation sensible des chances de réussite des enfants.
Découvrez comment la mission de la Fondation d’Ardian a évolué afin de cibler essentiellement des projets destinés à la petite enfance