Dette privée : financer la croissance en temps de récession

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Vision de marché

Dette privée : financer la croissance en temps de récession

  • 20 Décembre 2021

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Temps de lecture : 8 minutes

    La Covid-19 et ses bouleversements ont été une épreuve décisive pour la résilience des portefeuilles de dette privée et pour la capacité des gestionnaires à soutenir les entreprises pendant la crise. Les prêteurs directs ayant adopté des stratégies prudentes s’en sont sortis haut la main.

    Au terme d’une décennie de croissance quasi ininterrompue, l’année passée a été particulièrement difficile pour les gestionnaires de dette privée.

    Les levées de fonds ont ralenti : pour la première fois depuis la crise financière mondiale de 2008, les investisseurs ont pris le temps de réévaluer leurs positions en dette privée. Selon les chiffres de Pitchbook, les levées de fonds de dette privée mondiales ont chuté de 16,4 %, pour atteindre 120,2 milliards de dollars sur le premier trimestre 2021, sur la base des quatre derniers trimestres. Sur la période, le nombre de fonds a diminué de 40,1 % pour atteindre 130 véhicules. Ce recul fait suite à un repli de 27,8 % des levées de fonds de dette privée en 2020, où les 109,7 milliards de dollars de capitaux levés représentaient le montant annuel le plus bas depuis 2015.

    • 16.4%

      chute des levées de fonds de dette privée mondiales sur le premier trimestre 2021

    • 40.1%

      dimunition du nombre de fonds sur la même période

    • 27.8%

      repli des levées de fonds de dette privée en 2020

    Une résilience éprouvée

    Toutefois, bien que les gestionnaires de dette privée aient été confrontés à des difficultés majeures en matière de levées de fonds ces douze derniers mois, la classe d'actifs a bien résisté aux bouleversements de la Covid-19 et a prouvé sa capacité à faire face à la récession.

    Les portefeuilles ont fait preuve de résilience. Dans la sphère de la dette privée, les défauts de paiements ont été limités et, toujours selon Pitchbook, les distributions pour 2020 devraient dépasser les 90,3 milliards de dollars de 2019, deuxième meilleure année jamais enregistrée.

    Le maintien des distributions aux investisseurs indique que les sociétés en portefeuille de dette privée ont continué à rembourser leurs dettes tout au long de la pandémie avec un minimum de perturbations. Cela reflète la capacité des gestionnaires à soutenir et à guider les sociétés en portefeuille tout au long d'un cycle de crédit.

    « Tout au long de la crise, nos portefeuilles ont fait preuve de résilience. Nous avons renforcé notre suivi et mené des analyses financières détaillées, notamment des covenants et de la liquidité, afin de nous assurer que tout était mis en œuvre pour soutenir le portefeuille », déclare Guillaume Chinardet, Private Debt Investment Committee Chairman & Senior Managing Director. « Grâce à notre approche conservatrice, nous n'avons connu aucune situation de restructuration. Notre stratégie est toujours restée axée sur des modèles économiques résilients, plutôt que sur des secteurs précis. Nous avons toujours privilégié le financement d'entreprises moins cycliques, aux revenus prévisibles, de sorte que notre portefeuille se compose de sociétés génératrices de trésorerie, avec une bonne visibilité sur les bénéfices. »

    Les gestionnaires de dette privée ont également assisté à un fort rebond de l’activité des nouveaux contrats, suite aux premiers confinements et à la paralysie des marchés. Selon l’Alternative Lender Deal Tracker de Deloitte, les prêteurs alternatifs européens ont conclu 155 transactions au quatrième trimestre 2020, soit le double du chiffre enregistré au troisième trimestre 2020 et le deuxième nombre de transactions trimestrielles le plus élevé jamais enregistré depuis le quatrième trimestre 2012.

    « Les marchés ont été très actifs. Les opérations mises en attente au deuxième trimestre 2020 ont fait leur retour, à l’instar des nouvelles transactions. Depuis septembre de l’année dernière, l’équipe a été très occupée par les nouvelles opportunités », affirme Guillaume Chinardet.

     

    Des points de divergence

    Une bifurcation du marché a toutefois été observée. Avant la crise sanitaire, la sphère de la dette privée se caractérisait par un nombre croissant de nouveaux entrants et par un gonflement des niveaux de dry powder, ce qui a conduit à des structures d’opérations plus agressives, certains gestionnaires rivalisant sur les prix et conditions pour remporter des deals.

    Cependant, les gestionnaires dont les crédits étaient structurés de manière agressive ont été fortement sollicités pendant la période de pandémie, ce qui a donné aux investisseurs un point de données par rapport auquel ils peuvent différencier les gestionnaires sur tout un cycle.

    Mark Brenke, Managing Director au sein d’Ardian et Responsable d'Ardian Private Debt, affirme que les entreprises ayant une approche prudente de la taille des fonds, et restées disciplinées et très sélectives sur les transactions du marché tendu de la pré-pandémie, se sont distinguées de toutes les autres l'année dernière.

    « Très sélective, l’équipe d’Ardian Private Debt est axée sur la génération de rendements durables tout au long du cycle », déclare Mark Brenke.

    Nous avons toujours adapté la taille de nos fonds aux opportunités sous-jacentes du marché, de sorte que nous n'avons jamais été soumis à une pression excessive pour le déploiement. Si une plateforme est trop importante pour le marché, vous vous exposez à énormément de risques. En résistant à la tentation de doubler la taille de nos fonds, nous avons conservé notre sélectivité tout en continuant à déployer nos fonds conformément aux attentes. Sacrifier la sélectivité pour accélérer le déploiement est source de problèmes lorsque les marchés fléchissent.

    Mark Brenke, Responsable d’Ardian Private Debt

    Les gestionnaires les plus disciplinés ont eu moins de difficultés à gérer à l’échelle des portefeuilles. Ils se sont également mieux positionnés pour financer la croissance et fournir des liquidités aux sociétés en portefeuille sur toutes les phases du cycle de crédit.

     

    Financer bien plus que des buyouts

    La capacité des gestionnaires de dette privée à soutenir les entreprises de leur portefeuille malgré la volatilité des douze derniers mois et à couvrir leurs besoins de liquidités et de financement de la croissance a permis de valider de nouveau la viabilité à long terme de cette classe d'actifs.

    La capacité d'exécuter des financements de fusions et d'acquisitions a été un domaine d'intérêt majeur pour les gestionnaires de dette privée : selon Deloitte, l’année dernière, 71 % des opérations de prêt direct ont financé des buyouts. Toutefois, tout au long de la pandémie, les prêteurs directs ont également prouvé qu'ils pouvaient soutenir les emprunteurs en leur proposant des recapitalisations, des refinancements et des opérations de capital-développement, le cas échéant. Comme le révèlent les données de PitchBook, les prêteurs privés ont déployé 95,2 milliards de dollars dans des opérations de refinancement et de renflouement de capitaux au cours du premier semestre 2020, dépassant ainsi les totaux annuels de la majeure partie de la dernière décennie .

    En effet, la capacité de financer la croissance du portefeuille est devenue un critère de différenciation important pour les gestionnaires. La capacité à offrir ce soutien repose sur la santé du portefeuille des gestionnaires et l'exposition à des crédits dans des secteurs qui ont poursuivi leurs trajectoires de croissance.

    Mark Brenke précise : « Si vous avez suivi une stratégie consistant à soutenir des entreprises avec des modèles d'abonnement, des revenus récurrents et une grande visibilité sur les bénéfices futurs, vous avez pu proposer des lignes de financement supplémentaires pour soutenir la croissance.

    Certains secteurs ont poursuivi leur croissance durant la pandémie et, parmi les entreprises que nous avons soutenues, nous avons assisté à une hausse de 40 % et 50 % de la demande de financement de la croissance.

    Mark Brenke, Responsable d’Ardian Private Debt

    Selon Guillaume Chinardet, en collaborant étroitement avec les entreprises pour comprendre l’adaptation de leurs modèles économiques pendant la crise, Ardian a su proposer des lignes de crédit supplémentaires à son portefeuille.

    Dans des sous-secteurs où l’activité a été soutenue ces douze derniers mois, il y a eu une demande de financement de la croissance et de build-ups en plus du financement des acquisitions. Les emprunteurs jouissant d’une bonne santé financière ont tiré sur les lignes engagées et ont cherché des capitaux supplémentaires pour financer leurs ambitions de croissance.

    Guillaume Chinardet, Private Debt Investment Committee Chairman & Senior Managing Director

    « Les gestionnaires de dette privée qui prennent le temps d’appréhender les modèles économiques et de collaborer avec des emprunteurs en tant que partenaires financiers pour développer leurs entreprises se sont démarqués. »

     

    Des conditions avantageuses

    Les prêteurs qui n'ont pas eu à consacrer toutes leurs ressources à la restructuration et à la gestion du passif, qui ont pu continuer à financer de nouvelles opérations et à accorder des facilités supplémentaires à leurs portefeuilles, ont constaté des possibilités de financer des transactions à des conditions intéressantes.

    « Sur le marché, il y a eu une séparation nette : d’une part, les secteurs résilients face à la Covid-19 et qui ont pu obtenir des conditions similaires à celles disponibles avant la pandémie, et d'autre part, les secteurs, tels que les loisirs et l'hôtellerie, qui ont dû accepter des conditions plus strictes pour être financés », explique Mark Brenke. Et d’ajouter, « globalement, les conditions se sont durcies. Les bons crédits bénéficieront toujours de bonnes conditions, mais les transactions du marché intermédiaire seront assorties de clauses restrictives ; l'effet de levier n'a pas augmenté et la flexibilité autour des baskets de nouvelles dettes et des réintégrations d’Ebitda ne sera offerte que si elle est vraiment justifiée et nécessaire. Dans l’univers des prêteurs, la gestion des risques fait l’objet d’une attention accrue ».

    Les gestionnaires qui ont résisté à la tentation de se développer trop rapidement sur le marché haussier de la période pré-Covid-19 et qui ont évité de faire des compromis sélectifs afin d'accélérer le déploiement et la mise à l'échelle, sont maintenant idéalement placés pour profiter de conditions plus favorables sur les nouveaux contrats et opportunités de financer les ambitions des sociétés de portefeuille existantes.

    Au terme d’une année difficile, les prêteurs de la dette privée ayant des portefeuilles durables et des stratégies d'investissement ciblées se retrouvent bien positionnés pour financer des opérations à des conditions plus favorables aux prêteurs, sur un marché moins concurrentiel.

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