Entretien avec Matteo de Brabant, Fondateur de Jakala, et Laurent Foata, Responsable d'Ardian Growth.
Matteo de Brabant : Il y a trois ans, nous ne faisions pas de chiffre d’affaires à l’international, et aujourd’hui nous sommes parmi les cinq premiers acteurs en Europe, avec un chiffre d’affaires de 250 millions d’euros, dont la moitié hors d’Italie. Nous avons donc connu une croissance très rapide, ce qui nous a donné beaucoup d’options pour lever des fonds : investisseurs stratégiques, capital-investissement et même une introduction en Bourse. J’ai toutefois décidé de m’associer à Ardian, car Laurent Foata, Bertrand Schapiro et l’équipe ont une approche entrepreneuriale et connaissent bien les marchés B2B et le digital, ce qui n’est pas très courant dans la sphère du capital-développement. Dès notre première discussion, nous avons échangé sur les stratégies de croissance et les cibles d’acquisition possibles. Nous sommes très concentrés sur la croissance en Europe, en particulier en France et en Espagne, qui sont des zones géographiques où Ardian bénéficie également d’une forte présence.
Laurent Foata : Par rapport aux Etats‑Unis, il est beaucoup plus difficile de créer une entreprise et d’atteindre une taille critique dans nos secteurs en étant basé sur des marchés fragmentés comme l’Italie, la France ou l’Espagne. Pour réussir comme l’ont fait Matteo et son équipe, il faut un instinct de survie et une capacité à se réinventer incroyables. Pour nous, en tant que capital-développeurs dans le sud de l’Europe, cela se révèle essentiel. Ajoutez à cela la capacité de Jakala à disrupter ses marchés et la personnalité très forte de Matteo, et vous obtenez le type de société que nous recherchons : une aiguille dans une botte de foin.
M.d.B. : Je pense que les Italiens sont habitués à l’imprévu, et c’est ce qui explique notre adaptabilité. Je suis incapable de dire où en sera Jakala dans cinq ans, mais je me focalise sur la croissance et la taille. Nous sommes toujours prêts à expérimenter et à essayer de nouvelles choses, tel est notre état d’esprit.
L.F. : Il s’agit d’une approche très européenne. Nous n’allons pas prendre une verticale de marché prédéfinie et nous limiter à appliquer les meilleures pratiques de l’industrie. Non, nous allons procéder avec pragmatisme, rester proches de nos clients afin de comprendre comment créer de la valeur tout en étant audacieux et ambitieux dans notre approche. L’avantage quand on commence sur un marché comme l’Italie, c’est qu’on le dépasse rapidement et qu’on n’a pas d’autre choix que de se développer à l’international. C’est une question d’ambition, du pur darwinisme. Et si l’on se base sur les valeurs fondamentales dont nous avons parlé – cette capacité à être flexible et à se réinventer –, on a tout ce qui est nécessaire pour devenir le leader incontesté en Europe.
M.d.B. : Je rêve de devenir un acteur mondial. Contrairement à la plupart des entrepreneurs italiens, je n’ai jamais ressenti le besoin d’être l’actionnaire majoritaire. J’ai toujours mis l’accent sur l’établissement de relations avec les différentes parties prenantes : l’équipe de direction, les actionnaires, les clients, les fournisseurs et les partenaires potentiels. La clé pour que mon objectif se concrétise, c’est de trouver d’excellents profils qui complètent mon approche et possèdent l’expertise que je n’ai pas. Mon job, c’est surtout de les motiver et de les convaincre de partager ma vision.
L.F. : Ce type de projet de croissance internationale est précisèment ce que nous recherchons chez Ardian Growth, et c’est exactement le genre de société que nous sommes en mesure d’accompagner. Nous avons plus d’une décennie d’expérience sur les marchés d’Europe continentale, une connaissance approfondie des secteurs sur lesquels nous nous concentrons et un vaste réseau d’entrepreneurs et de managers qui peuvent aider Jakala. Au cours des prochaines années, nous exploiterons ces atouts pour aider Matteo à renforcer l’influence de la société et à réaliser ses ambitions.
M.d.B. : Nous avons réalisé plus de 10 acquisitions au cours des 15 dernières années, et je suis convaincu que nous avons autant besoin de croissance organique que de build-up. La croissance organique est évidemment essentielle mais, sans fusions-acquisitions, il vous manque ces moments de discontinuité qui vous permettent de changer d’organisation, de revoir votre offre, de remettre en question vos prix. Une société comme la nôtre a besoin de ces moments, parce qu’il faut continuer à s’adapter et à innover. Avec une équipe de direction solide et un excellent partenariat avec vos investisseurs – comme cela est le cas avec Ardian –, il est possible de réaliser nos objectifs de croissance. C’est la même raison pour laquelle j’ai aussi investi personnellement dans le fonds Growth d’Ardian : je choisis des personnes et des entreprises que j’apprécie et en qui j’ai confiance.
L.F. : Les grands entrepreneurs comme Matteo représentent 80 % des investisseurs de notre nouveau fonds. C’est un avantage énorme, non seulement en termes de connaissance du marché, de compréhension des business models ou d’expansion de notre écosystème, mais aussi parce qu’ils donnent à Ardian une grande crédibilité lorsque nous approchons de nouveaux entrepreneurs. Cela nous aide à trouver des opportunités d’investissement ou de build-up et à proposer un candidat indépendant solide pour sièger à leur conseil d’administration. La valeur que nous créons ainsi est beaucoup plus grande que si nous travaillions seuls.
M.d.B. : Chaque fois que je parle à un autre entrepreneur qui examine des options, je le présente naturellement aux partenaires que j’ai choisis.
L.F. : Cela peut paraître amusant, mais ce que nous avons appris lors de nos évènements de réseautage pour les entrepreneurs, c’est que lorsque nous souhaitons convaincre quelqu’un de s’associer à Ardian Growth, nous ne sommes pas les mieux placés pour expliquer ce que nous faisons, nos entrepreneurs le sont.